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nicolas gauthier - Page 17

  • Laurent Ozon prend un verre au Bistrot Libertés !...

    Le 18 mars 2016, Laurent Ozon (chef d'entreprise et essayiste) était l'invité, aux côtés de Caroline Parmentier (rédactrice en chef de Présent), de Pierre Gentillet (militant associatif), de Béatrice Bourges (militante associative), de Nicolas Gauthier (journaliste) et de Philippe Randa (écrivain et éditeur), du Bistrot Libertés, l'émission de débats diffusée par TV Libertés et animée par Martial Bild.

    Au sommaire des échanges :

    - la remigration, est-ce du bidon ?

    - le FN connaît-il un coup de mou ?

    - la Russie va-t-elle devenir la nouvelle amie de la France ?

    - une jeunesse dans la rue mais pour quoi faire ?

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  • Quand l'Union européenne discrédite l'Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'échec de l'Union européenne...

     

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    Alain de Benoist : Le plus grand reproche que l’on puisse faire à l’Union européenne, c’est d’avoir discrédité l’Europe !

    Que l’on soit europhile ou eurosceptique, un fait est patent : l’Europe va plus mal que jamais. Pourquoi ?

    Les signes s’accumulent en effet : crise de l’euro qui perdure, « non » des Danois au référendum du 3 décembre, vagues migratoires hors de contrôle, colère sociale, paysans au bord de la révolte, aggravation des perspectives financières, explosion des dettes publiques, montée des populismes et des mouvements « conservateurs » et eurosceptiques. S’y ajoute la possible sécession de la Grande-Bretagne, qui créerait évidemment un précédent. Jean-Claude Juncker l’a déjà avoué : l’année 2016 pourrait bien marquer le « début de la fin » de l’Union européenne. « Personne ne peut dire si l’Union européenne existera encore en l’état dans dix ans », a déclaré de son côté Martin Schulz, président du Parlement européen. « Nous risquons une dislocation », a renchéri Michel Barnier. « L’Europe, c’est fini », a conclu Michel Rocard. Cela donne le ton. L’Union européenne se défait sous nos yeux sous l’impact des événements.

    Dans l’affaire des migrants, le pape François opposait récemment ceux qui veulent dresser des murs et ceux qui veulent établir des ponts. Il oubliait qu’entre les ponts et les murs, il y a les portes, lesquelles fonctionnent comme des écluses : on peut, selon les circonstances, les ouvrir ou les fermer. La mise en place de l’espace Schengen supposait que l’Union européenne assure le contrôle de ses frontières extérieures. Comme elle en a été incapable, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, le Danemark, l’Autriche, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Macédoine et même la Belgique viennent, les unes après les autres, de rétablir le contrôle de leurs frontières intérieures ou de limiter de manière drastique les entrées de « réfugiés » sur leur sol. Cela signifie que l’espace Schengen est déjà mort. Ne vouloir établir que des ponts, c’est se condamner, à terme, à ne plus dresser que des murs.

    Le début des années 1990 a vu la fin du consensus tacite des citoyens vis-à-vis du projet d’intégration communautaire. À l’heure actuelle, un tiers seulement des Européens déclarent faire confiance aux institutions européennes, soit qu’ils pâtissent de la crise (dans les pays du Sud), soit qu’ils craignent d’être touchés à leur tour (dans les pays du Nord). De l’Europe, on attendait l’indépendance, la sécurité, la paix et la prospérité. On a eu la vassalisation au sein de l’OTAN, la guerre dans les Balkans, la désindustrialisation, la crise agricole, la récession et l’austérité. D’où un sentiment de dépossession qui touche tous les peuples.

    Les souverainistes pourraient se réjouir de l’actuel retour en force des nations, mais ne s’agirait-il pas du retour des égoïsmes nationaux ?

    L’actuel retour aux frontières n’est qu’un repli temporaire qui ne correspond nullement à un retour en force de l’État-nation. Tous les centres de décision des pays européens restent aux mains d’instances internationales, ce qui revient à dire que leur souveraineté (politique, économique, militaire, financière, budgétaire) ne tient plus que par la peinture. Au surplus, il n’y a pas un reproche que l’on fait à l’Union européenne que l’on ne pourrait pas adresser tout aussi bien aux États-nations. Le déficit démocratique des institutions européennes, par exemple, n’est jamais qu’un exemple de la crise générale de la représentation qui affecte aujourd’hui tous les pays, parallèlement à une crise fondamentale de la décision que l’on retrouve à tous les niveaux.

    Était-ce inéluctable ?

    Le plus grand reproche que l’on puisse faire à l’Union européenne, c’est d’avoir discrédité l’Europe. L’Europe actuelle est, en effet, tout sauf une Europe fédérale, et c’est pourquoi elle est incapable de s’unir dans le respect de la multiplicité des « nous » nationaux, c’est-à-dire des existences collectives qui existent en son sein. Elle n’a jamais voulu se construire comme une puissance autonome, mais comme un vaste marché, un espace de libre-échange censé s’organiser selon le principe exclusif des droits de l’homme, sans attache collective ni allégeance à une chose commune. Elle s’est faite, dès l’origine, à partir de l’économie et du commerce au lieu de se faire à partir de la politique et de la culture. L’idée sous-jacente était que, par une sorte d’effet de cliquet, la citoyenneté économique entraînerait inéluctablement la citoyenneté politique. C’est le contraire qui s’est produit.

    Conformément aux diktats du « sans-frontiérisme » libéral, l’Europe a voulu s’unifier dans une perspective « universelle », en se référant à des notions abstraites sans aucun ancrage culturel ou historique pouvant faire sens pour les peuples. Loin de protéger les Européens de la mondialisation, l’Union européenne est ainsi devenue l’un de ses principaux vecteurs. Au lieu de chercher à faire émerger une volonté politique commune fondée sur la conscience d’un destin unique, elle a choisi de s’ouvrir au monde sans réaliser qu’on ne peut s’adapter aux circonstances extérieures sans posséder un principe intérieur. Loin de se situer dans la perspective d’un monde multipolaire, elle s’est mise au service d’une « religion de l’humanité », préfigurant ainsi un ordre cosmopolitique fondé sur l’universalisation de la démocratie libérale (un oxymore dont le sens exact est la soumission des procédures démocratiques au système du marché).

    Le drame est que plus les politiques que la Commission européenne met en œuvre échouent, plus elle s’obstine à persévérer dans la même voie, convaincue qu’elle est que tout va s’effondrer si l’on interrompt sa fuite en avant. On n’échappera donc pas à cette fuite en avant. Ni à l’effondrement.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 17 mars 2016)

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  • Hervé juvin prend un verre au Bistrot Libertés !...

    Le 5 mars 2016, Hervé Juvin (économiste et essayiste) était l'invité, aux côtés de Charlotte d'Ornellas (journaliste), de Pierre Gentillet (militant associatif), de Maître Nicolas Gardères (avocat), de Nicolas Gauthier (journaliste), de Stéphanie Vignon (agricultrice) de  et de Philippe Randa (écrivain et éditeur), du Bistrot Libertés, l'excellente émission de débats diffusée par TV Libertés et animée par Martial Bild.

    Au sommaire des échanges :

    - le Brexit, ça m’inquiète ou ça m’excite ?

    - les migrants et Valls à Munich ;

    - la crise agricole s'invite au salon ;

    - César et Oscar : derrière les cérémonies, l’idéologie...

     

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  • Le cinéma d'Hollywood, vecteur d'influence des Etats-Unis...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au cinéma américain et à son rôle de vecteur d'influence...

     

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    Alain de Benoist : Quand les films de propagande de Daech empruntent les codes hollywoodiens

    Dès 1917, l’industrie hollywoodienne avait été conviée à la Maison-Blanche, histoire de conclure l’alliance entre le “soft power”, le cinéma et le “hard power”, l’invincible armada, afin de promouvoir l’“American way of life” sur l’ensemble de la planète. En 1947, en parallèle au plan Marshall, il était prévu que les écrans français soient grands ouverts au cinéma américain. On se trompe ?

    Vous faites allusion aux accords Blum-Byrnes signés, le 28 mai 1946, par Léon Blum et Jean Monnet du côté français, et par le secrétaire d’État américain James F. Byrnes. En échange de l’effacement d’une partie de la dette française envers les États-Unis, ces accords mettaient fin au régime d’interdiction des films américains décrété en 1939 et resté en place après la Libération. Supprimant toute préférence nationale, ils prévoyaient que les salles de cinéma ne pourraient plus programmer exclusivement des films français que quatre semaines par trimestre, les États-Unis – qui disposaient alors de plus de 2.000 films qu’ils voulaient écouler sur le marché européen – pouvant envahir les salles tout le reste du temps. « Le résultat auquel nous venons d’aboutir, déclara Léon Blum, accroîtra encore la reconnaissance que le peuple français doit et porte au peuple américain. » Les résultats se firent immédiatement sentir : en 1948, les films américains représentaient déjà 43,6 % de l’audience des films projetés sur les écrans.

    Les accords en question furent très vite perçus comme un moyen, pour les Américains, de diffuser les valeurs qui leur sont propres. De grands réalisateurs comme Marcel Carné ou Jacques Becker n’hésitèrent pas à parler de « bradage du cinéma français », et un Comité de défense du cinéma français (CDCF) fut fondé par Claude Autant-Lara. C’est d’ailleurs à la même époque, le 25 octobre 1946, que fut créé le Centre national de la cinématographie (CNC), dont la mission explicite était de protéger la création française en la finançant de manière autonome à partir d’une taxe sur les billets. En 1948, suite à la mobilisation des professionnels (le 4 janvier, une manifestation avait réuni plus de dix mille cinéastes, acteurs et techniciens), il fut finalement convenu de fixer à 121 le contingent annuel de films américains. Mais ceux-ci absorberont à eux seuls la quasi-totalité du temps normalement réservé à tous les films étrangers. Depuis, Hollywood déverse régulièrement sa production sur nos écrans, pour le pire comme pour le meilleur. Et désormais, bien souvent, les titres des films américains ne sont même plus traduits en français.

    Hubert Védrine assurait, récemment, que si les États-Unis avaient gagné la guerre froide contre l’URSS, c’était surtout grâce à Mickey et à Elvis Presley. Le glamour californien plus fort que la rugosité du KGB ?

    N’exagérons rien. Les chefs-d’œuvre de Vsevolod Poudovkine, Sergueï Eisenstein ou Alexandre Dovjenko ne le cèdent en rien à ceux d’un D.W. Griffith, d’un John Ford ou d’un Raoul Walsh ! Disons plutôt que les Américains, pour qui le cinématographe ne relève pas tant de la culture que du seul divertissement, ont très tôt compris que leurs films constituaient un vecteur d’influence essentiel, surtout quand ils sont tournés de telle manière qu’ils indiquent au spectateur comment interpréter les images. La manipulation s’appuie sur l’identification aux protagonistes, le comportement des personnages secondaires, le rapport aux objets, la façon de se tenir et de se parler. Elle s’exerce, bien sûr, sur le marché intérieur (95 % des spectateurs américains n’ont jamais vu de leur vie un film non américain), mais plus encore à l’extérieur, où le mode de vie américain, du fait de son omniprésence sur les écrans, est implicitement présenté comme le meilleur et le plus normal qui soit.

    Aujourd’hui, plus personne à Hollywood ne croit qu’un film doit être de qualité pour rapporter de l’argent. Les blockbusters rapportent d’ailleurs beaucoup plus par leurs produits dérivés que par le nombre d’entrées en salles qu’ils peuvent engranger. Dans un essai récent, Thibault Isabel a très finement analysé la façon dont les films américains à base d’images de synthèse, de décors numériques et d’effets spéciaux titanesques équivalent à un harcèlement visuel, du fait d’une nervosité narrative et d’un montage saccadé où les plans se succèdent plus qu’ils ne s’enchaînent et où la vitesse « ne laisse rien subsister hormis la sensation de l’instant », produisant dans l’esprit du spectateur un ahurissement de type hystérique. Cette frénésie visuelle a pour avantage d’inhiber toute défense immunitaire, en l’occurrence toute forme d’esprit critique, en sorte que le message idéologique est distillé de façon sous-jacente, ce qui facilite son intériorisation. Qui est encore capable, par exemple, d’analyser le contenu idéologique du Réveil de la force, dernier épisode de Star Wars (un milliard de dollars de recettes en douze jours d’exploitation, record historique !) ?

    Aujourd’hui, seule la France résiste en Europe, grâce (ou à cause) du système d’avance sur recettes, tandis qu’en Italie et en Angleterre (pour ne citer que ces deux pays), c’est le trou noir. On s’égare ?

    C’est vrai que, grâce au CNC et à son système d’avances sur recettes, le cinéma français tire plutôt mieux son épingle du jeu que celui des autres pays européens – ce qui lui permet de sortir à la fois de bons films et nombre de navets. Mais le cinéma français s’américanise lui aussi peu à peu. Et il n’est pas le seul. Pour ne prendre qu’un exemple auquel on pense rarement, voyez les films de propagande de l’État islamique. On y retrouve le même style frénétique, le même manichéisme, le même mélange de virtuosité technique, d’esthétisme kitsch et de violence pure que dans la plupart des films vidéo ou des films d’action hollywoodiens (tel le ridicule 300 de Zack Snyder, grotesque caricature de la bataille des Thermopyles). Du Luc Besson ou du Quentin Tarantino en version djihadiste ! Spectacle édifiant.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 mars 2016)

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  • Vous avez dit diversité ?....

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la diversité...

     

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    « Diversité ? Le choix entre libéralisme de droite et libéralisme de gauche, Pepsi ou Coca »

    À l’heure où les médias dominants nous assomment de « diversité », il suffit de voyager un peu pour constater que c’est plutôt l’uniformité qui règne en maître. Paradoxe ?

    C’est vers 2007, sous l’influence d’une mode venue des États-Unis, que le terme de « diversité » (sous-entendu : « d’origine ») a commencé à recouvrir le champ sémantique de ce qu’on appelait auparavant les « minorités visibles ». Quand on dit, par exemple, que la 41e cérémonie des César a « sacré la diversité », il faut entendre que les minorités y ont été mises à l’honneur (sauf quand elles étaient évoquées de façon non conformiste, ce qui explique que l’excellent film de Jacques Audiard, Dheepan, n’ait pas obtenu la moindre récompense) aux dépens de la majorité. C’est dans le même esprit que Delphine Ernotte, nouvelle présidente de France Télévisions, a pu déclarer voici quelques mois qu’« on a une télévision d’hommes blancs de plus de cinquante ans et ça, il va falloir que ça change ». En d’autres termes, il faut promouvoir les races-qui-n’existent-pas en faisant disparaître celle qui n’a pas le droit d’exister. Comme nous sommes dans une société de type orwellien, on comprend du même coup que la promotion actuelle de la « diversité » vise en réalité à la faire disparaître.

    Une autre façon de procéder est de mettre en place un faux-semblant de pluralité, assorti d’une fausse liberté de choix. Prenons à nouveau l’exemple de la télévision : il y a toujours plus de choix puisqu’il y a toujours plus de chaînes, mais comme elles disent toutes plus ou moins la même chose, le choix est en réalité inexistant. On pourrait faire la même observation à propos des partis politiques, qui emploient presque tous des mots différents pour délivrer le même message, à savoir qu’il n’y a qu’une seule société possible. On a le choix entre le libéralisme de droite et le libéralisme de gauche, comme on a le choix entre L’Express ou Le Point, Total ou Esso, Pepsi ou Coca.

    L’uniformisation des modes de vie est elle-même impliquée par l’expansion planétaire du marché et la nécessité inhérente au système de l’argent de poursuivre à l’infini le processus de mise en valeur du capital. La diversité n’y est donc tolérée que sur fond d’uniformité concrète et d’universalité abstraite. La société tout entière se transforme en machine à fabriquer du Même.

    Et la diversité culturelle ?

    La diversité culturelle est le constat qu’il existe des cultures différentes. Or, depuis deux millénaires, toutes les doctrines universalistes visent à nous persuader que les hommes sont fondamentalement les mêmes. Sécularisées à partir du XVIIIe siècle, ces croyances aspirent à l’arasement de ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs », à la suppression des frontières et au gouvernement mondial. L’image de l’homme qu’elles véhiculent est celle d’un homme hors-sol, délié de toute forme d’appartenance et d’enracinement, qui ne serait gouverné que par des références abstraites (les droits de l’homme) et des mécanismes sociaux impersonnels (le contrat juridique et l’échange marchand). L’idée générale est qu’il faut détruire les cultures et les peuples, c’est-à-dire précisément la diversité, en favorisant l’hybridation et le « métissage » généralisé comme idéaux normatifs d’un vaste dispositif d’uniformisation. Il y a là une allergie aux différences, à l’altérité réelle, qui fait songer au « monotonothéisme » dont parlait Nietzsche.

    Claude Lévi-Strauss, pour qui la civilisation impliquait la « coexistence de cultures qui offrent le maximum de diversités entre elles », disait déjà en 1955, dans Tristes Tropiques : « L’humanité s’installe dans la monoculture ; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. » Nous en sommes là, à une époque où toute culture qui prétend ne pas s’aligner sur le modèle dominant est régulièrement présentée comme « archaïque », scandaleuse ou menaçante.

    Au-delà de ce qui se passe chez les humains, il y a aussi la biodiversité, c’est-à-dire la diversité des vivants. Or, là aussi, les nouvelles ne sont pas rassurantes ?

    En 3,8 milliards d’années, cinq extinctions massives de toutes les formes de vie ont eu lieu sur Terre. La dernière en date, celle du Crétacé-Tertiaire, il y a 65 millions d’années, a vu la disparition de près de 80 % des espèces de l’époque (dont les célèbres dinosaures). Plusieurs millions d’années sont nécessaires pour recouvrer une diversité biologique suite à une extinction massive. Or, de l’avis unanime des spécialistes, nous sommes entrés actuellement dans la sixième phase d’extinction de masse du vivant.

    L’activité humaine ne cesse d’accélérer le rythme d’extinction des espèces, qui est aujourd’hui au moins cent fois supérieur au rythme naturel. Les grands animaux sont massacrés, les écosystèmes durablement pollués, les habitats de nombreuses espèces détruits, la surexploitation, le productivisme et la déforestation faisant le reste. D’ores et déjà, près de 41 % des amphibiens, 26 % des mammifères et 13 % des oiseaux sont menacés d’extinction. Au rythme actuel de plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’espèces anéanties chaque année, nous aurons éliminé d’ici à la fin du siècle plus de la moitié des espèces animales et végétales de la planète, jusqu’à atteindre le seuil fatidique de 75 % d’espèces disparues, au-delà duquel on peut parler d’extinction de masse. Et nous en subirons les conséquences car, étant donné que les espèces ne vivent pas côte à côte, mais en interaction les unes avec les autres et avec leurs milieux, il existe un lien systémique entre les écosystèmes et la biosphère. Ce qui revient à dire que nous dépendons de la biodiversité. En nous attaquant à elle, c’est nous-mêmes que nous mettons en danger.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er mars 2016)

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  • Une cise de l'identité française ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la crise identitaire française...

     

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    « La vraie question c’est : « Qu’est-ce qu’être français ? », non pas : « Qui est français ? » »

    La question identitaire, souvent évacuée du débat politique, n’en finit plus de hanter les esprits. Mais quid de la définition de cette dernière ? Quelle est la part de la culture, de l’ethnie ou de la religion ?

    À une époque où, comme le dit Alain Finkielkraut, un nombre croissant de Français sont « cloués au pilori médiatique parce qu’ils réclament le droit à la continuité historique », on parle en effet de plus en plus d’identité – et ce n’est pas bon signe. Quand l’identité va de soi, personne ne se pose la question de savoir en quoi elle consiste. Quand on commence à le faire, c’est que l’identité est sérieusement dégradée ou déjà perdue.

    Il ne faut jamais oublier que l’identité n’est pas ce qui ne change jamais, mais ce qui définit notre façon de changer tout en restant nous-mêmes. Souvenons-nous aussi que l’identité d’un individu a toujours plusieurs facettes : identité nationale certes, mais aussi identité linguistique et culturelle, identité professionnelle, identité sexuelle, identité religieuse, identité politique ou philosophique, etc. Celle de ces facettes que nous tenons pour la plus déterminante, et qui détermine de qui nous nous sentons le plus proche (si je suis de gauche, me sens-je plus proche d’un Français de droite ou d’un Allemand de gauche ? Si je suis chrétien, me sens-je plus proche d’un Français athée ou d’un catholique sénégalais ?), n’est évidemment pas la même pour tout le monde.

    Autre point capital : l’identité n’est jamais une donnée immédiate, elle ne se manifeste que par la médiation d’une culture. Or, une culture ne vaut que par sa créativité, faute de quoi elle n’est qu’une tradition postiche. Comme l’écrit le philosophe Philippe Forget, « un peuple n’exprime pas son génie parce qu’il est doté d’une identité, mais il manifeste une identité parce que son génie l’active […] Un peuple s’affirme par l’excellence de ce qu’il fait, par l’éclat de ses formes de vie, bien plus que par sa conformation obstinée à un seul modèle d’être. » Au cours de son histoire, la France n’a elle-même cessé de changer, mais elle est restée la France parce qu’à chaque étape de cette trajectoire, le peuple français a su renaître à lui-même à partir de sa manière d’être. Restituer de l’identité ne signifie donc pas reproduire le même contenu ou s’en remettre à la réception passive de formes héritées. Une histoire qui se réduit à la mémoire ou au culte du passé traduit un génie qui dégénère. Si l’identité se ramène à une incantation, au petit musée portatif des grands événements et des héros du passé, elle devient inévitablement résiduelle, fossile, voire tout simplement fantasmée.

    À propos, vous êtes favorable à la déchéance de la nationalité ?

    Dans les circonstances actuelles, certainement pas. Les discussions de ces dernières semaines l’ont bien montré : déchoir de leur nationalité des gens qu’on ne peut expulser n’a aucun sens. Plutôt que de s’interroger sur la façon d’enlever la nationalité française à ceux qui la possèdent, on ferait mieux de débattre de la façon dont elle doit être attribuée.

    Et la sortie de Nadine Morano, citant (approximativement) de Gaulle pour dire que la France est une « nation de race blanche » ?

    De Gaulle est mort depuis bientôt un demi-siècle. Nadine Morano aurait été plus crédible si elle avait parlé au passé.

    Mais, en fin de compte, c’est quoi, être français ?

    J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire lors de précédents entretiens. La bonne question est : « Qu’est-ce qu’être français ? », et non pas : « Qui est français ? » Me dire Français n’explicite pas le style qui me définit comme tel. En toute rigueur, est Français celui possède une carte d’identité de citoyen français. Vous me direz, bien sûr, que beaucoup de « Français de papiers » ne se sentent pas du tout français. Sans doute, mais c’est tout aussi vrai de nombre de « Français de souche », dont l’identité nationale n’est tout simplement pas la composante de leur identité qui leur paraît la plus importante. Au demeurant, on peut être Français et n’aimer ni l’île Saint-Louis, ni le mont Saint-Michel, ni Jeanne d’Arc, ni Georges Brassens, ni le camembert ! On peut être Français sans se sentir tenu d’aimer la France. On peut être Français et préférer l’Irlande à la France. Et on a aussi le droit d’être misanthrope ! Les Français qui ne sont pas républicains, enfin, ne sont pas moins français que ceux qui ne sont pas royalistes. Être Français, ce n’est pas adhérer à des principes ni à des valeurs (fussent-elles « républicaines »), mais reconnaître une appartenance qui s’inscrit ou est appelée à s’inscrire dans l’Histoire.

    Le problème ne commence que lorsque l’on fait primer sur l’appartenance nationale une autre appartenance, nationale ou communautaire, censée rendre la première caduque ou inopérante. C’est le cas de certains immigrés qui, bien que détenteurs de la nationalité française, se sentent en fait Algériens, Syriens ou Sénégalais. Mais c’est aussi le cas des nationalistes corses qui, à tort ou à raison, affirment qu’il existe un peuple corse distinct du peuple français – et une nation corse distincte de la nation française – et qui ne se considèrent donc français qu’administrativement. Dans ce dernier cas, cependant, la distinction de la citoyenneté et de la nationalité, synonymes dans la tradition française mais disjointes dans bien d’autres pays, pourrait permettre de résoudre le problème (les Corses deviendraient des citoyens français de nationalité corse). Cela vaut aussi pour nos compatriotes ultramarins, dont Marion Maréchal-Le Pen rappelait récemment, à juste titre, qu’ils étaient Français avant que les Savoyards et les Niçois ne le deviennent.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 février 2016)

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